Rapport Person : de timides propositions pour faire avancer la régulation des crypto-monnaies

Malgré l’adoption des crypto-monnaies par les particuliers, les législateurs et institutions peinent encore à trancher sur la question. La complexité des crypto-actifs, ainsi que leur réputation pas toujours flatteuse freinent la mise en place d’un cadre juridique pourtant nécessaire. En février 2019, le « Monsieur Cryptos » de LREM Pierre Person a présenté 27 propositions pour mieux réguler les cryptodevises et les grands sites d’achat auprès de la commission des finances. Une initiative pas forcément bien accueillie par la commission.

 

Pierre Person peine à faire accepter les cryptoactifs.  Source : Lionel Barbe via Wikimédia (CC BY-SA 4.0)

Légiférer sur les crypto-monnaies, une nécessité

Bien que les institutions tendent à freiner dès qu’il s’agit d’adopter des mesures encadrant plus généreusement les crypto-monnaies, il s’agit aujourd’hui d’une nécessité. La montée des ICO (Initial Coin Offering : levées de fond pour cryptodevises), ainsi que l’adoption massive des monnaies virtuelles comme le Bitcoin nécessitent un vrai encadrement légal.

Le député Person a donc présenté 27 propositions dans son rapport de mission de 140 pages. Parmi celles-ci, 5 ont été adoptées dans le cadre de la loi Pacte ou par le projet de loi finances :

  • Régime de visa optionnel de l’Autorité des marchés financière (AMF) pour les ICO
  • Agrément optionnel pour les prestataires de service en crypto-actifs
  • Imposition à 30 % des plus-values en crypto-actifs
  • Prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur le gain net retiré de la cession d’un crypto-actif

Un bon début qui ne va cependant pas assez loin pour les concernés, comme Eric Larchevêque, cofondateur de la Maison du Bitcoin (Coinhouse), qui estime que la fiscalité actuelle est encore trop confiscatoire.

Quelques propositions novatrices…

Parmi les propositions de fiscalité cryptos rejetées, certaines permettraient pourtant une meilleure protection des utilisateurs. Notamment l’obligation de reporting ainsi qu’un avertissement pour les opérations n’ayant pas eu le visa de l’AMF. Cette mesure permettrait aux utilisateurs de se faire un avis sur Binance, Coinbase, eToro et les autres grandes plateformes d’achat et d’échange, tout en les protégeant des arnaques qui peuvent encore exister dans ce milieu non régulé.

Des mesures plus poussées ont également été refusées, comme un abattement de 3 000 € sur les plus-values de cessions de cryptoactifs, ou le fait de prélever l’impôt lors du rapatriement des actifs sur un compte bancaire, plutôt qu’à chaque échange avec l’euro. Une autre proposition a également fait sourciller la commission des finances : une exonération de taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) pour les centres de minage en crypto-actifs, en contradiction totale avec le droit de l’environnement et l’écologie selon le Président Eric Woerth.

Des cryptodevises de plus en plus nombreuses. Source : voytekpavlik via Wikimedia (CC0 1.0)

 

…face à une commission des finances qui renâcle

La commission des finances hésite donc encore à se plonger dans la législation, car elle estime qu’il faut mettre en place une muraille étanche entre les institutions financières et monétaires et les crypto-actifs : c’est-à-dire protéger les banques et les grandes entreprises financières. Éric Woerth ne mâche à l’occasion pas ses mots : « “La France n’a pas à être une crypto-nation […] Étymologiquement, le terme crypto […] signifie ‘caché’. Or, dans ce domaine des crypto-actifs, beaucoup de choses demeurent encore cachées, non transparentes et opaques”. De quoi donner du grain à moudre aux acteurs du marché. Reste à suivre l’actualité du droit fiscal pour voir comment cette situation pourra se débloquer…